LE RAP ET LA MODE
- Manon DUPRAT
- 21 août 2017
- 5 min de lecture
Ce n'est une surprise pour personne si je vous dis le rap et la mode sont étroitement liés. Si on s'appuie sur les valeurs du rap et de la mode, ils sont même très proches.
Musique et mode ont toujours fait un beau couple. David Bowie et son style célèbre, Hedi Slimane photographe des musiciens les plus hype, et Kate Moss ne sort presque qu'avec des rockeurs. Les chanteurs ne sont pas en reste puisqu’ils enchaînent, à la moindre occasion, collections et collaborations en tout genre. Beyoncé et The Weeknd se sont plusieurs fois improvisée égérie pour H&M. De son côté, Rihanna a prêté son image à deux reprises à Dior, puis a lancé une paire de lunettes de soleil avec la maison française.

Mais la vraie tendance se trouve plutôt du côté des rappeurs. Pour autant, pas de méprise: De tout temps, le mouvement hip-hop a été marqué par une empreinte esthétique prégnante. Dès la fin des 70s, les fans de hip-hop arboraient un look très défini, à l’image des Furious Five : blousons à épaulettes, chokers cloutés, casquettes de marin, leur garde-robe ressemble à s’y méprendre à celui des fuccboi (voir un peu plus bas) d’aujourd’hui. En France, l’émission H.I.P.H.O.P. apprenait aux téléspectateurs à s’approprier les codes vestimentaires du mouvement hip-hop et même à lacer leurs sneakers (le style se cache toujours dans les détails...). Akhenaton (du groupe IAM) dans "Je danse le MIA" donne une idée du parfait attirail des B-Boys : "Stan Smith aux pieds", une paire de Ray-Ban et le survêtement Sergio Tacchini culte. L’engouement des rappeurs pour la mode et surtout le streetwear n'a pas faibli au fil des années puisqu’ils ont été nombreux à lancer leurs marques de vêtements. JoeyStarr avec Com8, Kool Shen avec 2 High, plus récemment Kaaris avec Jeunes Riches et surtout, Booba, qui se démarque avec Ünkut... Mais ces marques, plus sportwear que couture, s’adressent davantage à un public de fans qu'à des inconditionnels de mode.
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LES DÉBUTS :

La première rencontre entre les deux mondes a eu lieu en 1986, l’annnée où RUN-DMC sort son troisième album, Raising Hell, dont l’un des titres est « My Adidas ». C’est un succès commercial autant qu’un phénomène culturel, une révélation autant qu’une chance que les dirigeants d’Adidas décident de saisir. Alors à son apogée, le groupe investit le Madison Square Garden à New York, qui accueille pour la première fois ce style de musique.Présent dans le public, un responsable marketing d’Adidas USA, Angelo Anastasio, a suivi le phénomène et a convaincu les dirigeants d’Adidas Europe de faire le déplacement.
Ce soir-là, une scène étonnante se produit : Darryl ‘DMC’ entonne « My Adidas », enlève sa chaussure (une Adidas modèle « superstar ») et la lève au-dessus de sa tête. Les 40 000 spectateurs l’imitent aussitôt. L’histoire raconte que l’accord financier avec Adidas donnant naissance à la chaussure « superstar DMC » et à un tracksuit devenu célèbre, s’est signé dans les coulisses de ce concert mémorable. En plus d’ouvrir de nouveaux marchés à Adidas, cette rencontre, la première du genre, permet à Adidas de passer du sport à la culture. La marque Nike emboîte vite le pas. Le hip-hop, de son côté, gagne en visibilité et en crédibilité.

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28 ans après les RUN-DMC, il suffit de regarder les dernières saisons : la mode est toujours passionnée par les rappeurs. A$AP Rocky, Kanye West, Pharrell Williams, Orelsan ou encore Nekfeu font parties des "nouveaux" maîtres du style.
La mode est aussi présente dans le rap, deux exemples : Nekfeu avec son titre "Égérie" et la fameuse phrase : "Une marque de luxe m'a dit : "On veut pas de rap."Tu connais les ches-ri. J'ai dit : "Tant pis, tranquille, moi, je parle ap'..." " qui se terminent par "La même marque de luxe m'a dit : "On veut bien ton rap."Tu connais les ches-ri. J'ai dit : "Non, merci. J'ai monté ma propre marque"
Ou encore Migos avec son titre "Versace":
Les rappeurs, entre égéries, créateurs et invités de marque :

Dès les années 2000, Nigo (fondateur de Bape) décide de s’associer à Pharrell Williams pour lancer les marques Billionaire Boys Club, puis Ice Cream en 2005. La même année l'artiste collabore pour la première fois avec Louis Vuitton et imagine une paire de solaire pour l'enseigne française. Par la suite viendront Uniqlo, adidas, G.Star, un sac locomotive pour la maison Moynat...

Kanye West a longtemps cherché la bonne collab. Lui aussi se tourne vers A Bathing Ape, puis Louis Vuitton et Nike.
Mais l'incontestable réussite mode de Kanye West se trouve dans les collections qu’il réalise depuis plusieurs saisons avec Adidas. Sous le label Yeezy, ses vêtements, véritable ode à la tendance fuccboi pour la marque aux trois bandes créent à chaque fois l’événement.

Le rappeur californien Tyler, the Creator a lancé en juin dernier sa marque Golf Wang. Au programme, des couleurs psychédéliques, des imprimés pop…

Côté égéries, le rappeur A$AP Rocky, grand habitué des Fashion Week, qui a aussi travaillé pour Guess, a pris la pose pour la première fois pour Dior Homme. Le rappeur prouve que mode et rap ne riment pas forcément avec bling bling ou sportswear. À la place, élégance et raffinement sont les mots d’ordre de cette campagne.

En France, les rappeurs se distinguent également. Le groupe PNL a assuré l’ouverture de la boutique Supreme parisienne. Oxmo Puccino, très copain avec Agnès b. qui apparaît même dans le clip de sa chanson "Les potos".

En front row des défilés parisiens, il n’est pas rare non plus de croiser Sneazzy, du groupe 1995. Son acolyte Nekfeu a d’ailleurs lancé une collection en mai dernier avec Adèle Exarchopoulos pour la marque de streetwear Rad. Sweats, hoodies, casquettes et T-shirts composent la première collection des deux artistes.

Orelsan, de son côté, a imaginé une ligne unisexe intitulée Avnier. D’ailleurs, comme l’a si bien dit l'artiste lors d’une interview consacrée à Grazia en mai dernier "Le rappeur baggy, c’est fini". Mais si le rappeur baggy est fini, c'est le rappeur quoi maintenant ?
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LE RAPPEUR FUCCBOI
Une journaliste du New York Magazine écrivait un compte-rendu du show de Kanye West, qu’elle titrait "Yeezy Season 3 : c’était comme mourir et aller au paradis fuccboi". Ok, mais "fuccboi" ça veut dire quoi ? En fait, le terme se popularise lorsque le directeur artistique de Hood by Air décide de présenter sa collection automne-hiver 2014 grâce à un clip...particulier intitulé "Fuccboi".
La marque devient l’une des références de la tendance. Et pourtant, le terme fuccboi a au départ une signification plutôt négative. Fuccboi pour fuck boy, un individu qui ne s’intéresse qu’à lui-même, adepte des histoires d’un soir et des textos laissés sans réponse. Côté style, le fuccboi se distingue alors par sa capacité à accumuler les gros logos et à empiler les couches de vêtements. L’allure du fuccboi des débuts est reconnaissable entre toutes : un short long et large, un pantalon moulant glissé en-dessous, un sweat enfilé sur un débardeur géant et une paire de sneakers griffées. Comme s’il avait décidé de porter toute sa garde-robe d’un coup, sans trop se soucier du bon goût.
Alors que la disparition programmée des fuccbois, comme toute tendance, semblait prévue pour fin 2015, les créateurs en ont décidé autrement, débarrassant le terme de ses accents péjoratifs pour en faire l’attitude mode à adopter. Alexander Wang, Marc Jacobs ou encore Rihanna, pour sa collection de vêtements Fenty x Puma s’est elle aussi réappropriée la tendance fuccboi. Mais le maître en la matière reste Kanye West, qui grâce à Yeezy Season 3 a fait de cette tendance la référence 2016 en matière de style. Les derniers défilés du collectif VETEMENTS qui surfe sur la tendance, nous confirme qu'en 2017 le style fuccboi est devenu plus que désirable.
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Le rap et la mode ne sont donc pas une convergence inattendue, mais un couple en parfaite harmonie.
M+NON
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